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CHAPITRE VI


L’humour et la satire.


S’il est difficile de définir autrement que par une minutieuse et profonde analyse les modes principaux de la transposition humoristique, on peut néanmoins établir entre ses formes infiniment variées une distinction très nette. Au lieu de considérer le jugement que l’humoriste désire provoquer chez le lecteur, il suffit de rechercher les raisons qui ont engagé un artiste, capable d’exprimer directement sa pensée et sa vision de la réalité, à adopter ce masque qu’est l’humour.

Certains auteurs, dont l’esprit pénètre par delà le monde des apparences, sont amenés par les spectacles habituels de la souffrance, du doute et du mal qui s’offrent chaque jour à leurs yeux, à mesurer la cruauté, l’illogisme de la vie. Bientôt, ils ne conçoivent plus pour elle que dégoût ou indignation. D’autres, qui savent voir le monde sous de moins noires couleurs, n’ignorent cependant rien de la méchanceté des hommes, des injustices ou des ironies de la destinée. Mais, comme ils ont plus d’indulgence ou une sensibilité moins vive, ils ne s’indignent point. Ils se contentent de sourire et de faire servir à leur amusement le spectacle des tristesses dont ils pourraient, mais dont ils ne veulent point, souffrir. Pour ceux qui se rebellent et s’indignent comme pour ceux qui dédaignent et raillent, l’humour est une arme : c’est une protestation de leur sensibilité ou de leur intelligence devant une réalité que, sans avoir l’espérance de rendre meilleure, ils regardent en face et jugent pour ce qu’elle est. Empli d’une mordante âpreté ou d’une froideur plus incisive encore, cet humour est comme un des fruits amers de l’arbre de la science du bien et du mal. Il se fonde à la fois sur la connaissance