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quelques documents inédits

n’avait moins de 23 ans, 6 avaient plus de 40 ans d’exercice.

Le petit nombre des juges est remarquable. Aucun des honoraires qui pouvaient défendre, ou absoudre l’Emile n’était là : ni le Président Hénault, ni Malesherbes, ni Trudaine de Montigny, ni le comte de Guébriant[1], ni Durey de Meynières[2], ni ce Flesselles qui, quelques années plus tard, voulait faire jouer à sa campagne les Guèbres ou la Tolérance[3]. Absents aussi, le Premier Président Molé, et les trois présidents à mortier de service avec Maupeou à la Grand Chambre dont la présence n’était pas obligatoire, Guillaume de Lamoignon de Montrevault, Michel Jacques Turgot, Etienne Jacques François d’Aligre. Absent le conseiller de Blair[4], celui qui avait prédit le sort de l’Emile : « Monsieur, disait-il, voilà un fort beau livre, mais dont il sera parlé dans peu plus qu’il ne serait à désirer par l’auteur[5]. »

Probablement, selon les mœurs et la législation du temps, il était impossible, du moment que l’action judiciaire était entamée, de sauver l’Emile et son auteur. Ce n’était pas un livre à justifier publiquement, officiellement. D’où l’impuissance et l’abstention des amis de Rousseau, Malesherbes, Luxembourg, Conti. D’où aussi, au Parlement, l’absence de tous les magistrats qui pouvaient ne pas désirer une condamnation : présents, ils n’auraient, décemment, rien pu, rien osé empêcher.

  1. Sur ses sentiments. cf. d’Alembert, lettre à Voltaire, du 9 sept. 1766.
  2. Cf. Voltaire, éd. Moland, t. XXXV, p. 136 ; t. XLVIII, p. 13.
  3. Cf. Voltaire, éd. Moland. t. XLVI, p. 427.
  4. Conseiller depuis 1709. Soupçonné avec Severt et Titon : cf. p. (n. 4.
  5. Confessions, l. XI.