Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 1.djvu/95

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12 décembre 1789. « Voici une petite chose qui s’est faite depuis que j’ai eu l’honneur de vous écrire, et qui, grâce à M. DuPeyrou, a été imprimée aussitôt qu’écrite, en sorte que de ma tête elle a passé au public en quatre jours. Vous en aimerez la simplicité, sinon bonhomique — il y a pour cela un peu trop de rigoureuse justice, — du moins… je ne trouve point de mot. Ce que j’en pense, c’est qu’on y met les choses et les gens à leur place et à leur taux, tout simplement et tranquillement. M. DuPeyrou, à qui je craignais tant soit peu de déplaire avec mon M. N. O. P.[1], en a au contraire ri de bon cœur et a envoyé tout de suite à Fauche mon barbouillage, qu’il était le maître de jeter au feu. Ne voilà-t-il pas de part et d’autre une belle loyauté ?

D’Oleyres s’empresse de la remercier de cette production, « qui porte tellement les caractères de la réalité », qu’il semble que Thérèse elle-même « a conté ses raisons à son défenseur en le priant de parler pour elle ». — Ne dirait-on pas, en effet, qu’on entend la bonne femme se plaindre d’être malmenée dans des livres : « Moi qui ne sais seulement pas lire les injures dont on m’accable, et qui ne pourrai ni lire ni signer la défense que je dicte aujourd’hui à une de mes amies, bonne et simple femme comme moi ! »

On la traite de « femme indigne », de « couleuvre » ! :

Avec leurs gros mots et leurs grandes phrases, s’écrie-t-elle, ces Messieurs font souvent tant d’effet sur de pauvres bêtes de gens, qu’on pourrait bien m’assommer un de ces jours par charité. Les femmes de Môtiers ne voulurent-elles pas prouver qu’elles avaient une âme en lapidant M. Rousseau, qui, à ce qu’on leur avait fait croire, prétendait qu’elles n’en avaient point ?

Thérèse se demande aussi, à propos des torts qu’on lui reproche, pourquoi on attend les plus sublimes vertus d’une pauvre fille « qui ne savait ni lire, ni écrire, ni voir l’heure qu’il était sur le cadran », et à qui Rous-

  1. Allusion à ce passage « Qu’importe à MM. G. et C. que ce soit M. N. O. ou P. qui ait fait imprimer les Confessions ? »