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portrait de rousseau par jean houël

quatre ans et demi. Cependant au printemps de 1759, tandis qu’on faisait à son logis de Montiouis des réparations indispensables, il accepta, sur l’invitation de la famille de Luxembourg, d’aller loger pendans quelques mois — exactement du 5 mai jusqu’au début d’août 1759 (Corresp., passim) — dans « un édifice isolé qui était au milieu du parc (du grand château habité par le maréchal et sa famille) et qu’on appelait le Petit Château », ou encore la maison de l’orangerie, parce que celle-ci était toute voisine. Montlouis réparé, Rousseau y retourna bientôt, mais il avait « gardé la clef » du Petit Château, où il se plaisait à aller « souvent coucher et même à passer « quelquefois deux ou trois jours, comme à une maison de campagne » (Conf., liv. X).

On me permettra de m’arrêter un peu devant cette curieuse et charmante demeure : elle en vaut la peine à bien des égards. D’abord parce que Rousseau y a vécu des heures de « continuelle extase » dont il nous a laissé le récit dans quelques-unes des plus belles pages des Confessions auxquelles je renvoie (II, x, loc. cit.) : c’est un de ces lieux qui, de son aveu même, ont exercé une influence précise sur une partie de son œuvre[1]. Ensuite parce que des documents, qui n’ont pas encore été, je crois, signalés aux rousseauistes, permettent de nous la représenter et de comprendre l’admiration qu’elle inspirait aux artistes Houël paraît bien en avoir été vivement frappé

  1. « C’est dans cette profonde et délicieuse solitude qu’au milieu des bois et des eaux, aux concerts des oiseaux de toute espèce, au parfum de la fleur d’orange, je composai dans une continuelle extase le cinquième livre de l’Emile, dont je dois en grande partie le coloris assez frais à la vive impression du local où je l’écrivais. » Conf. II, X, 447.