Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 25.djvu/25

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Tous les journaux du temps rapportèrent la belle conduite du marquis d’Ars et glorifièrent le héros qui venait de tomber à l’âge de vingt-quatre ans. La grande sœur pleura le frère qu’elle aimait tendrement. « Vous allez apprendre l’extrême douleur de notre amie, écrivait de Margency à Jean-Jacques Rousseau, le 21 janvier 1761, son frère, celui que vous avez vu à Poissy, vient d’être tué sur sa frégate, après le combat le plus vif qui, de mémoire d’homme, se soit donné. Je suis désespéré de cette nouvelle par l’horrible plaie qu’elle va faire à cette âme si tendre, si sensible et déjà si malheureuse[1]. »

Jean-Jacques Rousseau partagea la douleur de son amie :

« J’apprends, madame, la cruelle perte que vous venez de faire, lui écrivit-il, le 26 janvier 1761. Je connais trop bien votre sensibilité pour ne pas concevoir votre affliction et je vous suis trop attaché pour ne pas la sentir moi-même. Je ne plains point les hommes de courage qui meurent pour leur pays, mais je plains beaucoup ceux qui les aimaient, qui leur survivent et que l’amour de la patrie ne peut plus consoler de rien. Il n’y a que le temps qui console, la douleur ne se paie point de vains discours j’ai un vrai regret de n’être pas maintenant votre voisin pour aller m’affliger avec vous. Je ne suis pas non plus sans peines de toute espèce je les oublierais en partageant les vôtres ou du moins je serais délivré de la plus triste de toutes qui est de pleurer toujours seul »[2].

  1. Correspondance générale. T. V., p. 330. L’original autographe de cette lettre est à la bibliothèque de Neufchâtel.
  2. Correspondance générale. T. V, p. 341.