Page:Annales de philosophie chrétienne vol 40, 1850.djvu/287

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11. — Un Charmana ayant demandé à Bouddha comment on pouvait parvenir à la voie, et comment on pouvait savoir les vies antérieures, Bouddha prononça ces mots : La voie est spirituelle et immatérielle ; si on se contente de la savoir sans y marcher, on ne recueille aucun avantage. Il convient de vivre en veillant avec soin sur sa volonté : c’est comme quand on polit un miroir ; après en avoir lavé soigneusement toutes les souillures et l’avoir rendu brillant, on peut alors se mirer soi-même. Celui qui, ayant retranché ses passions, passe ses jours dans une continuelle abstinence, et pénètre l’ordre et la liaison de la doctrine, celui-là parviendra à la connaissance des vies antérieures(287-L).

12. — Bouddha, manifestant sa doctrine, prononça ces mots : « Si on demande quel est le meilleur : c’est celui qui marche sans jamais dévier de la voie. Si on demande quel est le plus grand : c’est celui qui conforme sa volonté à la Coi. Si on demande qui est le plus fort : la force de supporter une injure est très-rare : celui qui supporte une injure sans faire de mal, est certainement honoré parmi les hommes. Si on demande quel est le plus illustre : celui qui ayant, avec toutes les impuretés de son cœur, mis ordre à sa mauvaise conduite, devenu intérieurement très-pur et sans souillures, ayant connu, depuis les tems cosmogoniques jusqu’à ce

(287-L). Il y a là un beau précepte qui semble emprunté à saint Jacques qui dit : « Celui qui écoute la parole et ne la pratique point est semblable à un homme, qui voit son image dans un miroir : il s’est vu, s’en va, et oublie aussitôt ce qu’il est(287-1) » Mais à la fin on retrouve la grande erreur bouddhique, adoptée par les philosophes métaphysiciens de l’école chrétienne, qui ont fait consister la perfection dans l’intuition, dans la contemplation de la vérité. C’est cette doctrine qui a fait les yoghis indiens et les quiétistes si souvent frappés par l’Église ; l’homme en ce monde est fait pour pratiquer la loi imposée par Dieu, et non pour la contempler stérilement ; celui-ci, comme vient de le dire saint Jacques, est semblable à l’homme « qui contemple son image (le moi) dans un miroir (sa conscience) et qui ensuite se retire… pas plus avancé qu’avant ; » du moi, il n’a jamais pu arriver au non moi. Demandez aux Allemands.

(287-1). Jacques, Epit., I, 23.