Page:Annales de philosophie chrétienne vol 40, 1850.djvu/289

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14. — Bouddha, manifestant sa doctrine, prononça ces mots : « L’homme qui passe sa vie dans la pratique de la vertu, est semblable à celui qui entre dans une maison obscure, une torche à la main ; aussitôt les ténèbres se dissipent et la clarté paraît. L’homme qui est parvenu à la véritable science, ayant complètement éteint l’ignorance et la stupidité, il n’est rien qui ne soit lumineux pour lui(289-O). »

nombre de philosophes chrétiens qui, comme le P. Chastel, disent que si un homme ne connaît pas la doctrine, cela vient de ses passions. Mais il y a ici une distinction essentielle à faire ; sans doute les passions obscurcissent l’esprit, et empêchent l’action de l’intelligence, mais cela n’empêche pas de dire que la connaissance de la loi doit toujours précéder la correction de ses passions. Supposez, en effet, que réellement il n’y eut aucune connaissance de la loi, comment cet homme corrigerait-il ses passions ; comment saurait-il qu’il est hors de la règle, s’il ne connaît point de règle ? Vous voulez que je corrige mes défauts pour connaître la règle, mais si j’ai pu corriger mes passions sans règle, qu’ai-je besoin de la règle ? n’est-ce pas sur la règle même que je dois corriger mes passions ? — Toute la difficulté vient de ce que nos philosophes chrétiens ont voulu, comme Bouddha, trouver la règle et la loi dans l’intérieur de l’homme ; alors, en effet, si cet intérieur est bouleversé, si c’est une eau trouble, comment y trouver une règle, comment y voir une image ? mais grâce à Dieu, ce n’est pas ainsi qu’historiquement Dieu a donné la règle ; c’est à l’extérieur que la règle est posée, elle est dans la tradition qui la donne par l’enseignement ; le cœur a beau être troublé, les passions ont beau s’agiter, la loi est toujours ferme, droite et brillante, à l’extérieur ; toutes les passions ne troubleront jamais l’admirable et brillante clarté de l’Évangile ; cette clarté pénétrera forcément dans quelque coin de ce cœur troublé, et l’éclairera par mille conduits ; il sera forcé de la connaître. S’il ne la suit pas, c’est qu’il ne veut pas la suivre, la règle existe. Que si vous la placez dans le cœur, il est clair que dès que le cœur est troublé, elle n’existe plus, ou elle est invisible. Mais non, non ; la règle n’est pas renfermée dans la chaudière bouillante du cœur, ni recouverte des cinq couvercles des sens, comme le dit Bouddha, et comme l’enseignent les lamas du Thibet et un grand nombre de lamas chrétiens.

(289-O). On voit ici le leurre donné à ces pauvres contemplateurs, thibétains, indiens, allemands, français, que l’esprit humain peut, en ce monde,