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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

tant de faveur par la plupart des nations de l’Europe ? C’est un recueil d’histoires plus ou moins plaisantes, plus ou moins bien racontées. Il y a des espiègleries dans le sens que nous attachons à ce mot, c’est-à-dire des malices innocentes et qui font rire ; mais on y trouve aussi des tours pendables, des actes inspirés par une méchanceté naturelle et gratuite, qui n’excitent pas la moindre gaîté. Ajoutons que les récits les plus grossièrement orduriers y tiennent une large place.

Ces défauts, loin de nuire à l’histoire d’Ulespiègle, ont été, si je ne m’abuse, la cause de son succès. Je ne voudrais pas dire que ce livre est le livre d’une nation, d’une époque ou d’une classe : l’homme est partout le même ; le degré de civilisation diffère seul. Des plaisanteries qui ont pu faire les délices des plus hautes classes de la société chez une nation ou dans une époque encore grossières, trouvent aujourd’hui, dans les classes inférieures, un public qui leur est sympathique, parce qu’il n’a pas encore dépassé le degré de civilisation où les hautes classes étaient parvenues il y a quelques siècles. Au-dessous d’un certain niveau, comme on peut s’en convaincre tous les jours, les qualités de style importent peu. Il n’est pas besoin qu’une histoire soit bien racontée : le drame suffit. Quant à ce levain de perversité qui nous fait trouver une joie maligne dans le spectacle des infortunes d’autrui, il n’est pas aussi particulier aux paysans allemands que l’a cru Gœrres, le célèbre publiciste de Coblentz. À l’égard de ce goût pour les propos orduriers si vivace encore aujourd’hui dans les campagnes, il n’a pas complète-