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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

le garçon, d’accommoder ses bottes avec du lard, et il voulait dire de les graisser. Eh bien, je ne les graisserais pas, je les larderais, comme on larde un rôti. — C’est bon, dit le maître ; nous ferons comme il nous a dit. » Il prit du lard, le coupa par petites lanières, et, avec une aiguille à larder, piqua les bottes comme un rôti. Le lundi Ulespiègle revint, et demanda si ses bottes étaient prêtes. Le bottier les avait accrochées contre la muraille ; il les lui montra en disant : « Tiens, les voilà accrochées. » Ulespiègle, voyant ses bottes ainsi lardées, se mit à rire et dit : « Quel bon ouvrier vous êtes ! Vous avez fait comme je vous avais dit. Combien vous dois-je pour cela ? » Le bottier demanda un vieux gros. Ulespiègle le donna, prit ses bottes lardées et sortit de la maison. Le maître et son garçon le regardaient aller en riant et disaient : « Comment se tirera-t-il de là ? Le voilà attrapé ! » Tout d’un coup voilà Ulespiègle qui court tête baissée contre la fenêtre, car la boutique était au rez-de-chaussée et donnait sur la rue, et qui dit au bottier : « Maître, quel est le lard avec lequel vous avez accommodé mes bottes ? Est-ce du lard de truie ou de verrat ? » Le bottier et son garçon furent tout étonnés ; bientôt le bottier, voyant qu’Ulespiègle lui parlait à travers la fenêtre, et qu’avec sa tête et ses épaules il avait bien cassé la moitié des vitres, qui étaient tombées en morceaux dans la boutique, se mit en colère et dit : « Traître, si tu ne laisses pas cela tranquille, je vais te taper sur la tête avec ce bâton. – Ne vous fâchez