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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

le fourreur. Quand il fut installé dans l’atelier et qu’il voulut coudre les peaux, il n’était pas habitué à l’odeur, et il dit : « Fi ! fi ! tu es aussi blanche que de la craie, et tu sens plus mauvais que de la fiente ! » Le fourreur lui dit : « Comment, cette odeur te déplaît ! Il est tout naturel que cela sente mauvais ; cela vient de la laine qu’avait le mouton. » Ulespiègle ne dit rien, mais il pensa en lui-même : « Une mauvaise odeur chasse l’autre, » et il lâcha une vesse tellement puante que le fourreur et sa femme furent obligés de se boucher le nez. Le fourreur lui dit : « Que fais-tu ? Si tu veux lâcher des vents, va-t’en dans la cour, et là vesse tant que tu voudras. – C’est bien plus favorable à la santé, dit Ulespiègle, que l’odeur des peaux de mouton. – Sain ou malsain, dit le fourreur, si tu veux vesser, va-t’en dans la cour. – Maître, dit Ulespiègle, ce serait peine perdue ; les vents n’aiment pas le froid, car ils se tiennent toujours au chaud. C’est pourquoi, si vous lâchez un pet, il vous rentre vite dans le nez pour retrouver la chaleur qu’il vient de quitter. » Le fourreur se tut. Il vit bien qu’il avait affaire à un mauvais garnement, et il se promit de ne pas le garder longtemps. Ulespiègle resta assis et continua à coudre, à vesser, à tousser et à cracher. Le fourreur le regardait, et prit patience jusqu’au soir après le repas. Alors il lui dit : « Mon cher garçon, je vois bien que tu n’aimes pas ce métier, et je m’imagine que tu n’es pas un vrai garçon fourreur. Je vois cela à tes grimaces ; ou bien c’est que tu n’es pas depuis