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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

dire : « Paye, toi qui as les douze florins. » Mais aucun d’eux ne les avait. Les aveugles se grattaient l’oreille, voyant qu’ils étaient trompés. L’aubergiste de même, qui se disait : « Si tu les laisses partir, tu ne seras pas payé ; si tu les gardes, ils feront encore de la dépense et n’auront pas davantage de quoi payer ; ta perte n’en sera que plus grande. » Là-dessus, il les mena derrière sa maison, dans un toit à porcs, et leur donna de la paille et du foin.

Cependant Ulespiègle avait calculé que le temps devait être venu où les aveugles auraient dépensé l’argent. Il se déguisa et s’en vint à cheval se loger dans cette auberge. En arrivant dans la cour, et comme il voulait mettre son cheval à l’écurie, il vit les aveugles dans le toit à porcs. Il entra dans la maison et dit à l’aubergiste : « Monsieur l’hôte, à quoi pensez-vous, de mettre ainsi ces pauvres aveugles dans cet endroit ? N’avez-vous pas pitié de ces pauvres gens ? – Je voudrais, dit l’hôte, qu’ils fussent au diable, si seulement j’étais payé de la dépense qu’ils ont faite ! » Et il lui raconta de point en point comment il avait été trompé par les aveugles. Ulespiègle lui dit : « Comment, Monsieur l’hôte, vous n’avez trouvé personne pour répondre d’eux ? » L’hôte pensa en lui-même : « Ah ! si j’avais un répondant ! » et il dit : « Mon ami, si je trouvais une bonne caution, je l’accepterais, et je lâcherais ces maudits aveugles. – Eh bien ! dit Ulespiègle, je vais chercher par la ville jusqu’à ce que je trouve un répondant. » Là-dessus il s’en alla trouver le curé et