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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

mandait à Ulespiègle de faire quelque chose, il ne le faisait qu’à demi. S’il avait à apporter un seau d’eau, il l’apportait à moitié plein ; s’il devait mettre deux morceaux de bois au feu, il n’en mettait qu’un ; au lieu de deux bottes de foin qu’il fallait donner au taureau, il n’en donnait qu’une. Lorsqu’on l’envoyait à l’auberge chercher une mesure de vin, il n’en rapportait que la moitié, et ainsi du reste, si bien que la servante connut bien qu’il faisait ainsi pour la contrarier ; mais elle ne lui en dit rien, et elle alla se plaindre au prêtre. Celui-ci dit à Ulespiègle : « Mon cher garçon, ma servante se plaint de toi, et pourtant je t’avais prié de faire tout ce qu’elle voudrait. — Oui, monsieur, dit Ulespiègle ; aussi n’ai-je pas fait autrement que vous ne m’aviez dit de faire ; vous m’avez dit que je n’aurais chez vous que moitié besogne, et que votre servante verrait volontiers de ses deux yeux. Et pourtant elle ne voit que d’un œil. Elle ne voit qu’à moitié, et je fais la besogne à moitié. » Le curé se mit à rire ; mais la servante se mit en colère, et dit : « Monsieur, si vous gardez plus longtemps ce mauvais sujet à votre service, je vous planterai là. » Ainsi le curé fut obligé, contre sa volonté, de donner congé à Ulespiègle. Mais il s’arrangea avec les paysans de son village pour lui faire donner la place de sacristain, qui se trouvait vacante.