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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

comme elle avait envie d’en manger aussi bien que son maître, elle prit l’autre et se mit à table avec lui. Comme ils étaient bien en train de manger les saucisses, ils commencèrent à écumer de la bouche. Le curé dit à la servante : « Ah ! ma chère, comme tu écumes de la bouche ! – Ah ! cher maître, répondit la servante, vous avez aussi la bouche couverte d’écume ! » À l’instant arriva Ulespiègle, qui revenait de l’église. Le curé lui dit : « Quelles saucisses as-tu apportées là ? Vois comme nous écumons de la bouche, ma servante et moi. – Grand bien vous fasse, monsieur le curé, répondit Ulespiègle. Il vous arrive selon vos paroles. Vous m’avez crié d’apporter deux saucisses, que vous vouliez en manger que l’eau vous en vînt à la bouche. Mais ce ne serait rien que d’avoir l’eau à la bouche, si vous ne crachiez pas ; je suis sûr que cela viendra bientôt. Les deux saucisses sont faites de la chair d’une truie qui était morte depuis quatre jours ; c’est pourquoi j’ai dû savonner proprement la chair, et c’est ce qui vous fait écumer ainsi. » La servante commença à vomir sur la table ; le curé en fit autant de son côté, et s’écria : « Sors à l’instant de chez moi, fripon, canaille ! » Il saisit un bâton et voulait battre Ulespiègle ; mais celui-ci lui dit : « Cela ne convient pas à un honnête homme. Vous m’avez dit d’apporter les saucisses ; vous les avez mangées toutes les deux, et vous voulez me chasser à coups de bâton ; payez-moi d’abord ces deux saucisses ; je ne parle pas de la première. » Le curé était furieux et faisait grand tapage, et lui dit