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Les aventures

remplit mon ame de reconnoissance pour la Divinité, & dissipa absolument mes frayeurs.

Par ce flux & reflux de pensées & d’inquiétudes, je me mis dans l’esprit un jour que le sujet de ma crainte n’étois peut-être qu’une chimère, & que le vestige que j’avois remarqué pourroit bien être la marque de mon propre pied. Peut-être, dis-je, en sortant de ma chaloupe, ai-je pris le même chemin qu’en y entrant ; mes propres vestiges m’ont effrayé, & j’ai joué le rôle de ces fous qui font des histoires de spectres & d’apparitions, & qui ensuite sont plus allarmés de leurs fables que ceux devant qui ils les débitent.

Là-dessus je repris courage, & je sortis de ma retraite pour aller fureter par-tout à mon ordinaire. Je n’étois pas sorti de mon château pendant trois jours & autant de nuits, & je commençois à languir de faim, n’ayant rien chez moi que quelques biscuits & de l’eau ; je songeai d’ailleurs que mes chèvres avoient grand besoin d’être traites, ce qui étoit d’ordinaire mon amusement du soir. Je n’avois pas tort d’en être en peine ; les pauvres animaux avoient beaucoup souffert, plusieurs en étoient gâtés absolument, & le lait de la plupart étoit desséché.

Encouragé donc par la pensée que je n’avois eu peur que de ma propre ombre, je fut à ma maison de campagne pour traire mon troupeau ; mais