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de Robinson Crusoé.

Vous prendre, vous tuer Vendredi, non envoyer Vendredi chez ma nation. Il prononça ces mots les yeux pleins de larmes, & d’une manière si touchante, que je fus convaincu de sa constante tendresse pour moi, & que je lui promis de ne le renvoyer jamais contre son gré.

Tout ce qui portoit mon sauvage au desir de me mener avec lui dans sa patrie, c’étoit son amour pour ses compatriotes, auxquels il croyoit mes instructions utiles. Pour moi, mes vues étoient d’une autre nature ; je ne songeois qu’à joindre les hommes ; & sans différer davantage, je me mis à choisir un grand arbre pour en faire un grand canot propre pour notre voyage. Il y en avoit assez dans l’île : mais je souhaitois d’en trouver un assez près de la mer pour pouvoir le lancer sans beaucoup de peine, dès qu’il seroit transformer en barque.

Mon sauvage en trouva bientôt un d’un bois qui m’étoit inconnu, mais qu’il connoissoit propre pour notre destin. Il étoit d’avis de le creuser en brûlant le dedans ; mais après que je lui eus enseigné la manière de le faire par le moyen de coins de fer, il s’y prit fort adroitement ; & après un mois d’un rude travail, il perfectionna son ouvrage ; la barque étoit fort bien tournée, sur-tout quand, par le moyen de nos haches, nous lui eûmes donné par dehors la véritable tournure