Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/188

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— Accusé, Dieu est témoin qu’un alibi seul pourrait vous sauver. Où étiez-vous à l’heure de ce crime abominable ?

Le misérable se lève de son banc et répond :

— J’étais sur la place : un paysan a passé ; je lui ai demandé l’heure ; il m’a répondu : « Quatre heures. »

— Quel est son nom ?

— Je ne sais pas.

— Où habite-t-il ?

— Je ne sais pas.

— Cet homme, accusé, pourriez-vous le reconnaître ?

En proie aux affres de l’agonie, le désespéré, d’un geste machinal et lent, tourna la tête vers la sombre foule entassée dans le prétoire. Tout était fini sans doute et le supplice allait être prononcé quand, tendant les deux mains avec la frénésie du naufragé qui voit flotter sur l’eau la planche du salut :

— Le voilà ! clama-t-il d’une voix éperdue.

Et ce cri de l’innocent retentit par la ville comme la foudre et les clairons.