Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/192

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lune. Or je ne pus me remémorer rien de semblable, comme si, là, toute l’année, le ciel dût être gris, qu’une petite pluie dût arroser la campagne, tandis que le vent entrerait librement dans les isbas vacantes et regagnerait l’espace par les cheminées inutiles.

Mais tout à coup, parmi le silence mortel, voici le son des cloches. Il est si brisé, si lamentable qu’on le croirait d’une voix qu’expire une poitrine agonisante. Je marche dans la direction d’où viennent ces sons, et j’entre dans l’église : elle est pleine de gens du plus humble peuple. La messe a quelque chose d’extraordinaire. Par instants, de coins du temple partent des gémissements. Les larmes coulent sur les rudes visages halés. Je fends la foule, péniblement, car elle est compacte et le sol inégal. Sur la droite un grand nombre de cierges brûlent devant l’icône miraculeuse de la mère de Dieu. L’icône est noire, sans auréole ; à peine si une mince couronne d’or nimbe la tête révérée, dont les yeux regardent avec une miséricorde infinie ; devant l’icône, une énorme quantité de mains, de pieds, d’yeux d’argent et d’ivoire sont suspendus, ex-votos des malades qui sollicitent la guérison. De l’autel part la voix vieillie, mais nette, du prêtre qui récite une