Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/239

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compte de la manière, dont je vivois sous ce nouveau maître. Il avoit tous les matins coutume de me mener chargé d’herbes potagères dans une ville qui n’étoit pas loin de là, et après avoir livré sa marchandise aux revendeurs, il montoit sur mon dos, et s’en revenoit à son jardin. Pour lors, pendant qu’il bêchoit, qu’il arrosoit ou qu’il faisoit quelque autre chose, j’avois le plaisir d’être en repos sans rien faire. Mais, après l’agréable saison des vendanges, quand l’hiver et ses frimats furent de retour, je pâtissois extrêmement, étant exposé aux pluies froides, et à toutes les injures de la saison dans une étable découverte. Mon maître étoit si pauvre, qu’il n’avoit pas le moyen d’avoir seulement de la paille, ni quelque misérable couverture, ni pour lui ni pour moi. Il passoit l’hiver sous une méchante petite cabane couverte de branches d’arbres et de feuillages. Je souffrois encore beaucoup le matin, en marchant les pieds nuds dans de la boue froide et pleine de glaçons, et par-dessus tout cela, je n’avois point ma nourriture ordinaire : nous vivions de la même chose, mon maître et moi, mais bien misérablement ; car nous ne mangions que de vieilles laitues amères, montées en graines et à moitié pourries.