Page:Arène - Au bon soleil, 1881.djvu/14

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— Je ne sais pas si le bastidon est à Lenthéric, mais, sûrement la femme est sienne.

— Alors, dit le vieux routier en se levant, que Perdigal et la belle se cachent. Lenthéric, par métier, aime la poudre, on le connaît aussi bon chasseur que bon carrier.

Le petit homme roux ne mentait point ; bientôt l’événement prouva que Lenthéric avait eu tort d’aller chercher femme en Provence.

Voici comment le mariage s’était fait : Deux ans auparavant, MM. Damase frères, possesseurs à Jouques (Bouches-du-Rhône) d’un moulin à papier monté encore d’après l’ancien système, avaient eu besoin de remplacer deux énormes cuves de pierre émiettées en faisant la pâte sous l’effort continu des lourds pilons. La roche du pays étant trop tendre, ils chargèrent Perdigal, qui faisait les voyages à la montagne, de leur procurer deux blocs de la grosseur voulue en pierre froide de Saint-Domnin, beau calcaire à grains serrés, dur comme l’acier, et qui, sous le ciseau, prend le poli du marbre vert. Perdigal et Lenthéric se connaissaient ; Lenthéric avait une carrière à Champ-Brencous, au-dessus de Saint-Domnin, et, dans sa carrière, une veine pleine d’où l’on pouvait, si l’on voulait, extraire des blocs plus gros que des maisons. L’affaire s’arrangea donc à merveille :

— Je repasserai dans trois semaines, dit Perdigal.