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LES CLOUS D’OR

ayant subitement défleuri à cause de la grande sécheresse, presque toutes les abeilles moururent ; et de nouveau, par malechance, Bénistan se trouva ruiné.

Bénistan avait voulu élever des poules. Les renard, en une seule nuit, égorgea poulets et poussins, le coq, les pondeuses et les couveuses.

Bénistan avait voulu planter des vignes. Un fléau changea ses souches en bois mort.

Si bien que, travaillant, épargnant comme une fourmi, la bonne Tardive, sur qui toutes les charges retombaient, se trouvait encore heureuse d’avoir à peu près chaque soir du pain bis dans la pannetière, et sur le feu une bonne soupe fumante.

Mais tout a une fin ! Depuis longtemps, la jolie pannetière en noyer ciré avait été vendue. Les enfants, ce soir-là, étaient allés au lit, sans souper. Pour comble de malheur, Ganagobi, le chat de la maison, Ganagobi pourtant si fidèle, avait disparu. De temps en temps. Tardive se levait et appelait : « Ganagobi, Ganagobi !… » dans la direction du village ; mais Ganagobi ne revenait pas, chassé par l’odeur de misère.

C’est là le grand chagrin qui tranchait l’âme de Tardive ; et c’est le grand chagrin qui lui avait arraché ce mot de reproche, le seul en sept ans sorti de sa bouche :

— Ah, mon pauvre homme ! mon pauvre homme ! si tu fusses né sans bras ni jambes, notre porte aurait des clous d’or !

Elle oubliait, la brave femme, qu’un coup de mistral avait, quinze jours auparavant, démoli la