Page:Arène - Contes de Paris et de Provence, 1913.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
CONTES DE PARIS ET DE PROVENCE

détourna les yeux pour ne point voir tante Dide lorsqu’elle glissa la marmite sous sa pelisse.

La marmite ainsi obtenue fut solennellement mise sur le feu en présence de tous les Pitalugue mâles et femelles.

Puis tante Dide l’ayant emplie d’eau, versa dans cette eau, non sans marmotter quelques paroles magiques, tous les vieux clous, toutes les vieilles lames rouillées, toutes les aiguilles sans trous et toutes les épingles sans tête du quartier. Et, quand la soupe de ferraille commença à bouillir, quand les lames, les clous, les aiguilles et les épingles entrèrent en danse, on fut persuadé qu’à chaque tour, chaque pointe, malgré la distance, s’enfonçait dans la chair du jeteur de sorts.

— Ça marche, murmurait tante Dide, encore une brassée de bois, et tout à l’heure le gueusard va venir nous demander grâce.

— Il sera bien reçu ! répondait la bande.

Cependant l’astucieux Pitalugue, que tout ceci amusait fort, n’avait pu s’empêcher d’aller en souffler un mot à ses amis de la haute ville ; et ce fut, dans tout Pertuis, une grande joie quand le bruit se répandit qu’au Portail-des-Chiens, pour désensorceler les haricots, la tribu des Pitalugue faisait bouillir.

Or, les Pitalugue faisant bouillir, la tradition voulait qu’on envoyât quelqu’un se faire assommer par les Pitalugue.

Ce quelqu’un fut M. Cougourdan !

Conduit par son destin, M. Cougourdan eut l’idée fâcheuse de s’arrêter devant la boutique du perru-