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CONTES DE PARIS ET DE PROVENCE

l’octroi : « si l’on ne connaîtrait pas quelqu’un, par hasard qui pourrait lui faire un joli ballon pour deux écus ? »

Le préposé de l’octroi, ayant dévisagé notre homme, répondit :

— Pour un travail comme celui-là, il faut du papier peint, de la colle… je ne vois guère que Castarini.

Or, il faut savoir que ce Castarini, peintre et colleur de papier peint à ses moments perdus, avait pour occupation principale d’amuser les gens de la ville en ourdissant à l’encontre des naïfs villageois toute sorte de farces et de méchants tours.

Siffroy trouva Castarini devant sa boutique, sur la Placette, en train de barbouiller de beau jaune cadmium, imitant l’or, une enseigne pour un café.

— Qu’y a-t-il à votre service ?

— Excusez si je vous dérange, mais je m’appelle Siffroy (d’Antonaves) et je voudrais que vous me fissiez un joli ballon de deux écus. C’est le préposé qui m’envoie.

À ces mots, Castarini détourna la tête et, voyant la bonne figure doucement candide, le crâne en ogive de son interlocuteur, il cligna de l’œil avec un air de profonde satisfaction, tandis qu’un frémissement scélérat lui bridait les muscles des joues.

— Un ballon ? ainsi vous voudriez un ballon, fit-il en reposant son pinceau sur sa boîte à couleurs, un ballon pour monter dedans ?

— Oui, Monsieur, en papier bleu autant que possible, avec la lune et les étoiles.

— On peut vous en faire un si vous y tenez ;