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CONTES DE PARIS ET DE PROVENCE

en fit huit, il en fit dix ! Et les billes allaient, venaient, s’effleuraient et tourbillonnaient, puis s’entrechoquaient doucement, comme attirées par un aimant invisible ! Et les carambolages roulaient, et les spectateurs applaudissaient, et la vieille Nanon elle-même, remuant des sous dans la poche de son tablier, admirait et faisait galerie !

Tout d’un coup — c’était un effet de recul ! — la queue, lancée d’une main nerveuse, glisse sur la bille et la manque ; le tapis craque, le tapis se fend triangulairement, et la queue presque tout entière s’engouffre et disparaît dans un abîme de drap vert !

Le tonnerre en personne serait tombé dans la salle, que le saisissement n’eût pas été plus grand.

Chacun s’entre-regarda. Naz, le malheureux Naz, resta debout, comme stupéfait, le corps en avant et la bouche ouverte.

— Son père ! s’écria la vieille Nanon, qu’on aille chercher monsieur son père !

Le père de Naz arriva.

On s’attendait à une explosion de colère. Il se montra glacial et digne :

— Combien ce tapis ?

— Soixante francs, mon bon Monsieur, pas moins de soixante francs.

— Voici soixante francs !… et qu’on me donne le vieux drap.

Puis le tapis décloué :

— Emporte-moi ça, dit le père en remettant à Naz le tapis roulé.

Que comptait-il faire ?