Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/285

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Je suivis donc les bottines, on causa. Et nous voilà bras dessus bras dessous par les rues : moi comptant bien leur rester fidèle jusqu’au jour, et même un peu plus tard, à ces bottines ; elles, babillant de choses vagues, plaisirs, courses et soupers fins, se mirant dans les vitrines resplendissantes, et s’arrêtant, avec des airs rêveurs qui me faisaient trembler devant les boutiques d’orfèvres où, comparables aux flots splendides de la mer quand le soleil se couche, les perles, les rubis, les topazes et les chrysocales ruisselaient et roulaient sous les feux du gaz.

Tout à coup, c’était vers les hauteurs de Brébant qui s’appelait Vachette à l’époque, j’entends quelque chose craquer. Ma bien-aimée fait un faux pas, pousse un cri, éclate de rire : son talon gauche venait de sauter, cassé net au ras de la semelle. Je le ramassai pieusement. Il était évidé, fluet et si léger, qu’on eût dit un bouchon à champagne.

— « Ça vous joue toujours ces tours-là, les talons de bois ! » soupiraient les bottines maintenant boiteuses mais charmantes comme mademoiselle de La Vallière ; et c’était plaisir de voir sous la robe et le jupon brodé, paraître tour à tour, repoussant satin et mousseline, une bottine parisienne bruyante à merveille, puis une pauvre petite bottine bien modeste, qui se montrait peu, marchait à petit bruit, et