Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/597

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d’une tombe encore entr’ouverte ; et toutefois, je suis peu digne du tendre souvenir dont notre illustre confrère a bien voulu m’honorer la veille de sa mort : je manquerais au dernier vœu que sa bouche ait exprimé, peut-être à la dernière pensée que son esprit ait conçue, si je n’ajoutais encore quelques mots : si parmi les inventions qui porteront le nom de notre confrère à la postérité, je n’allais chercher, pour lui assigner la première place, l’instrument ingénieux (le frein) auquel le public reconnaissant a déjà invariablement lié le nom de Prony. Cet instrument donne des bases loyales, exemptes de toute controverse raisonnable, aux transactions des constructeurs de machines et des acheteurs ; il fournit les moyens d’étudier la force des plus grands moteurs, dans toutes les conditions possibles de vitesse ; il a déjà rendu de grands services à la mécanique pratique ; il a satisfait enfin à un immense besoin de la science.

Il me reste une autre importante lacune à remplir. Les nombreux travaux que j’ai déjà cités furent accomplis à la fin du règne de Louis XVI, sous le Consulat, l’Empire ou la Restauration. Que devint Prony à l’époque révolutionnaire ?

Pendant cette période d’exaltation fiévreuse, tout prit dans notre pays des dimensions colossales : les projets généreux comme les actions criminelles.

Prony, directeur du Cadastre, reçut l’ordre de composer de nouvelles tables trigonométriques. Le pouvoir d’alors voulait qu’elles ne laissassent rien à désirer quant à l’exactitude ; il ajoutait (rien ici ne pourrait remplacer les expressions textuelles) ; il ajoutait « qu’elles devaient