Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/599

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d’après de légères apparences, d’après de simples habitudes de société, Prony, dites-vous, semblait froid, indifférent, quelque peu personnel ! Eh bien, pénétrez avec moi, à toutes les époques, dans l’intérieur de sa famille, et voyez s’il y eut jamais un mari plus empressé, plus affectueux, plus tendre ? Remarquez donc aussi avec quelle exquise délicatesse il prodigue ses bienfaits aux nombreux parents qui l’entourent. Connaît-on enfin un seul collaborateur de notre confrère qui ne soit resté ou devenu son ami ? un seul jeune homme honoré du titre d’élève de l’École polytechnique, du titre d’élève de l’École des ponts et chaussées, qui ait réclamé en vain l’appui de Prony ? Un souvenir emprunté à des relations personnelles, permettra que je m’écrie encore : Oui ! celui-là avait le cœur bien placé qui, en 1837, à quatre-vingt-deux ans, qui, près d’un demi-siècle après l’événement, venait me supplier de ne pas oublier, en écrivant l’éloge de Carnot, que ce grand citoyen lui sauva la vie en 1798 ; oui ! celui-là avait le cœur chaud, qui ajoutait, les larmes aux yeux : « Quand j’aurai payé mon tribut à la nature, quand vous occuperez l’Académie de ma personne et de mes travaux, je veux, entendez-vous, mon ami, je veux que vous disiez aussi qu’un autre de mes confrères me sauvait vraiment l’honneur quand il me faisait rentrer à l’École polytechnique, d’où une intrigue misérable, odieuse, m’avait écarté à la seconde Restauration. »

Voilà, Messieurs, l’esquisse bien imparfaite qu’il m’a été possible de tracer la nuit dernière des travaux, de la vie et des qualités personnelles de notre illustre confrère.