Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/84

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Que voulait donc le code noir, dans cette partie si favorable à l’affranchissement des esclaves ? Évidemment, la fusion des deux races d’hommes qui habitaient les colonies françaises, par les avantages accordés à ceux qui parvenaient à la liberté. En cela, ce code développait les principes du christianisme qui enseigne aux hommes à se considérer comme des frères ; plusieurs de ses articles témoignent de cette louable préoccupation du législateur, notamment celui qui est relatif à l’observation des dimanches et des fêtes, où le maître ne pouvait, ou plutôt ne devait exiger aucun travail de ses esclaves, et celui qui prescrivait le mariage entre l’homme libre et la femme esclave dont il aurait eu des enfans.

Mais, si les premiers administrateurs des colonies se montrèrent disposés à seconder les vues du gouvernement royal à cet égard, leurs successeurs ne furent que trop empressés à adopter les préjugés nés dans ces pays lointains, par l’effet de cette corruption morale que l’esclavage engendre. La plupart d’entre eux, partageant les idées matérialistes qui ont signalé le siècle de Louis XV, étant grevés de dettes ou officiers sans fortune, avaient un intérêt puissant à favoriser les injustices des colons. On peut même dire qu’à mesure que les sentimens religieux perdaient de leur empire dans la nation française, tous les vices qui résultent de l’égoïsme, de la cupidité, de l’avarice, gagnaient les cœurs des dominateurs des colonies. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les colonies françaises à celles de l’Espagne, où les hommes de la race africaine ont toujours été mieux traités, par l’influence de la religion[1]. Et de nos jours, n’est-ce pas à

  1. « Il est bien constant que les Espagnols n’ont jamais connu les distinctions de couleur ; car, dans les possessions espagnoles, les blancs, les hommes de