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des bontés pour lui depuis sa sortie du lycée, et il finit par le destituer de l’emploi qu’il occupait[1]. David-Troy se conduisit avec dignité ; il essaya d’abord de donner des explications ; mais voyant que le chef de l’État en était plus irrité, il se retira du palais pendant que celui-ci y entrait, emportant sans doute dans son cœur le souvenir de ces reproches et de sa destitution si publiquement prononcée ; car il resta toujours opposant.

La scène qui suivit celle-là fut plus orageuse encore. Boyer, à l’apogée d’une regrettable colère, tonna contre les membres de l’Opposition qu’il qualifia de factieux qui voulaient le renversement du gouvernement et des institutions du pays, qui égaraient l’opinion publique, etc., etc. Il fit une chaleureuse allocution aux officiers militaires au milieu desquels il se plaça, pour les inviter à défendre le gouvernement contre les machinations des pervers. Le cri de : Vive le Président d’Haïti ! répondit à ces paroles, et jamais on ne vit les militaires plus animés du désir d’obéir à ses ordres, quels qu’ils fussent. Plusieurs officiers supérieurs, dégainant leurs sabres à moitié ou y portant la’main, lui dirent : « Parlez, Président, et vos ennemis disparaîtront ! — Non, leur répondit-il, non, ne faites rien à ces misérables ! Si vous m’aimez, ne touchez pas à un seul de leurs cheveux ! » Les chefs des corps reçurent l’ordre de tenir les troupes cantonnées durant une semaine.

Cette mesure, cette colère, ces accusations portées contre les opposans, la publication de la protestation des 31 repré-

  1. M. Émile Nau, employé d’administration, fut aussi destitue. Le journal l’Union qu’il rédigeait et qui avait publié les actes de l’Opposition, cessa de paraître. Ces deux destitntions et d’autres qui les suivirent, acheverènt de rendre opposans tous les jeunes hommes du pays, à peu d’exceptions près.