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des conservateurs, et ils auraient compris le danger d’une collision. Ensuite, il est constant que les départemens de l’Artibonite, du Nord et de l’Est se sont maintenus en parfaite tranquillité jusqu’au dernier jour : l’idée de l’insurrection contre le pouvoir de Boyer ne s’y est pas manifestée, pour seconder celle du Sud.

Il y eut donc faute politique de sa part, en restant à la capitale. Il oublia cette maxime en matière de gouvernement : « Le crime n’est pas toujours puni en ce monde, les fautes le sont toujours. » Il est vrai que nous portons ce jugement après coup ; mais les gouvernemens sont faits « pour prévoir, » et les paroles que nous venons de rapporter prouvent que Boyer avait assez bien prévu ce qui résulterait de sa chute[1].

Les 21e et 24e régimens et les gardes nationales de l’arrondissement de Léogane furent les premières forces qui allèrent dans le Sud. Ces troupes se rendirent à l’Anse-à-Veau où commandait le général Malette. À cet effet, le général Inginac qui, malgré son office de secrétaire général, était toujours commandant de l’arrondissement de Léogane, eut l’ordre de s’y porter pour mettre ces forces en mouvement. Il se rendit au Petit-Goave le 4 février, et le 5 elles défilèrent, avec toute l’apparence d’un grand enthousiasme en faveur du gouvernement. Mais à Léogane et surtout au Petit-Goave, il y avait des opposans actifs qui n’avaient cessé de travailler à embaucher les militaires, particulièrement les officiers. Dans cette marche, étant

  1. Si la nationalité haïtienne n’a pas été anéantie, elle a été du moins compromise par la séparation des départemens de l’Est, érigés en « République Dominicaine. » Peu après, un « État du Nord » fut constitué, pendant que le Sud était en proie à une barbare anarchie. Que serait-il advenu, si le sage Guerrier ne se fût trouvé dans l’Ouest, pour reconstituer l’ancienne République d’Haïti avec son unité politique, au moyen de la haute influence de ce département sur les destinées de la patrie.