Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traire, en leur apprenant qu’il avait contribué à l’éloignement de l’homme qu’elles redoutaient. Admirable effet d’un système de gouvernement en opposition avec les principes de la morale ! Ceux qui s’en servent réussissent d’abord ; mais cette arme déloyale finit toujours par tourner contre eux pour les abattre.

Nous lisons dans l’ouvrage de Thibaudeau que, le même jour, 11 juin, le général Leclerc écrivit une lettre au ministre de la marine, où il lui disait : « J’envoie en France, avec toute sa famille, cet homme si profondément perfide, qui, avec tant d’hypocrisie, nous a fait tant de mal. Le gouvernement verra ce qu’il doit en faire. » Cet auteur ajoute cette réflexion, dont nous luis avons bon gré : « C’était une recommandation peu généreuse de la part du vainqueur. Un ennemi malheureux, le Premier des Noirs, méritait plus d’égards [1]. »

Enfin, le 13 juin le capitaine-général rendit un arrêté par lequel il ordonna le séquestre des biens de T. Louverture ; mais il décida en même temps que cet acte ne serait pas imprimé, pour qu’il n’acquît pas de la publicité. Cependant, le prisonnier du Héros a pu apprendre cette mesure ; car il s’est plaint dans son mémoire de la saisie de ses propriétés et de ses papiers.


Complétons une fois tous les renseignemens que nous

  1. T. 3, p. 134. — Le 6 juillet, Leclerc écrivit une autre lettre où l’on voit cequi suit :

    « Vous ne sauriez tenir Toussaint à une trop grande distance de la mer, et le mettre dans une prison trop sûre. Cet homme avait fanatisé ce pays à tel point, que sa présence le mettrait encore en combustion. J’ai demandé au gouvernement ce qu’il fallait faire de ses biens. Je pense qu’il faut les confisquer ; je les ai fait séquestrer provisoirement. »

    Ainsi, la détention rigoureuse de T. Louverture, loin de la mer, a été provoquée par Leclerc.