Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/236

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moins que c’est par elle qu’ils pourront parvenir à un état social en rapport avec la civilisation des nations de l’ancien monde.

En contraignant ses frères au travail, par des mesures d’une trop grande sévérité, il a voulu leur apprendre encore que cette obligation imposée à l’homme par ses besoins, est l’un des moyens et le plus essentiel, de prospérité, de stabilité, d’ordre et de liberté, que les peuples doivent pratiquer pour ne pas croupir dans la barbarie. Ses mesures à cet égard ont encouru de vifs reproches de notre part : nous les maintenons, tout en reconnaissant que ses torts peuvent être atténués, en considération de l’influence que son âge a pu exercer sur ses idées, de l’influence de l’éducation despotique qu’il avait reçue dans le Nord où il prit naissance, et surtout de l’état de démoralisation où se trouvait alors la population laborieuse, par suite des révolutions, des agitations incessantes, de l’habitude vicieuse qu’elle avait contractée pour le brigandage.

Le despotisme qui ne se modère point lui-même, afin de ne pas dégénérer en tyrannie, arrive presque toujours à un résultat contraire à ses meilleures intentions en faveur des hommes qu’il gouverne. L’énergie et la rigueur qu’il emploie dans ses procédés, en lui aliénant les cœurs, sapent ses institutions par leurs bases et produisent souvent une réaction désastreuse. Il faut sans doute être ferme dans l’exercice de tout pouvoir, de toute autorité ; mais il faut aussi de la modération pour en assurer la durée.

N’oublions pas à ce sujet, pour expliquer, et non pas justifier, pas même excuser les actes cruels de la domination de Toussaint Louverture, ce qu’a dû exercer sur ses