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blancs, bien des mulâtres avaient pris le nom de leurs pères. D’un autre côté, parmi les noirs déclarés libres dès le 29 août 1793 et confirmés dans ce droit par le décret de la convention nationale, du 4 février 1794, il y en avait qui ajoutaient à leurs noms propres, ceux de leurs anciens maîtres, depuis ces actes qui les admettaient au rang de citoyens français. Or, dans le Nord, selon l’usage créole, on disait, par exemple, avant la révolution, Pierre à Gallifet, pour désigner un esclave du colon Gallifet ; dans l’Ouest et le Sud, l’usage créole supprimait la préposition à, et l’on y aurait dit simplement Pierre Gallifet. Cette habitude avait donc été maintenue. Le règlement de Leclerc fut ainsi dirigé contre les mulâtres et les noirs, pour qu’ils ne portassent pas le nom des blancs. Il acheminait tout doucement de cette manière vers l’ancien régime.

Mais, ce qu’il y a de singulier et ce qui explique fort bien les instructions qu’il avait reçues du Premier Consul, c’est que, dans ce même mois, le 2 juillet, le gouvernement français avait déjà pris un arrêté ainsi conçu :

Les Consuls de la République, sur le rapport du ministre de la marine et des colonies ; le conseil d’État entendu,

Arrêtent :

1. Il est défendu à tous étrangers d’amener sur le territoire continental de la République (en France) aucun noir, mulâtre, ou autres gens de couleur, de l’un et de l’autre sexe.

2. Il est pareillement défendu à tout noir, mulâtre, ou autres gens de couleur, de l’un et de l’autre sexe, qui ne seraient point au service, (militaire, sans doute), d’entrer à l’avenir sur le territoire continental de la République, sous quelque cause et prétexte que ce soit, à moins qu’ils ne soient munis d’une autorisation spéciale des magistrats des colonies d’où ils’seraient partis, ou, s’ils ne sont pas partis