Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/278

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l’organiser, selon les idées bornées qu’ils tenaient de la tribu africaine à laquelle ils appartenaient dans leur pays natal, ils ne seraient jamais parvenus à s’entendre : ils devaient donc subir le joug que les lumières doivent toujours imposer à l’ignorance, dans ses propres intérêts.

Il ne s’agit pas en cela de la couleur des hommes, mais de leur capacité. En Afrique même, ce sont les plus capables qui gouvernent.

Dieu n’a pas destiné un homme éclairé, intelligent, à se soumettre à celui qui ne l’est pas. L’esprit doit commander au corps ; c’est dans la tête que résident toutes les facultés qui font de l’homme un être supérieur parmi tous ceux de la création. Les hommes instruits, éclairés d’une nation quelconque, doivent donc avoir la direction de ses affaires : ils forment la tête du corps social, les masses n’en sont que les membres qui exécutent les déterminations de la volonté. Renversez cet ordre naturel, dicté par la raison, et il n’y aura qu’une confusion anarchique dans la société civile.

Ainsi l’on vit les plébéiens de l’ancienne Rome se retirer sur le Mont-Sacré, par une funeste jalousie contre l’ordre des patriciens, mais ramenés ensuite à l’obéissance par l’ingénieux apologue de l’estomac et des membres du corps humain, qui fut exposé à leur raison et à leur patriotisme.

Si les insurgés commettaient des atrocités contre les blancs qui tombaient en leur pouvoir, de leur côté les Français placés sous les ordres de Rochambeau n’en commettaient pas moins. Le Port-au-Prince surtout vit organiser sur une large échelle l’assassinat des indigènes sous les formes les plus hideuses. Les gibets étaient tou-