Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/279

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jours garnis d’individus ; à bord des navires de guerre on noyait, on étouffait de nuit des centaines de malheureux.

À cette époque, une femme mulâtresse, nommée Henriette Saint-Marc, fut accusée de connivences avec les insurgés de l’Arcahaie et pendue sur la place du marché près de l’église. Peu après, un mulâtre du nom de Mahotière, le fut également pour avoir refusé de fournir au service de la gendarmerie un cheval qui lui servait de monture : afin de colorer ce crime d’un prétexte, on l’accusa d’être l’espion de Lamour Dérance.

Toutes ces victimes de la fureur de Rochambeau montrèrent un courage digne de la cause dont elles étaient devrais martyrs, et n’inspirèrent que plus de haine à celle de la France. Si la scélératesse ne caractérisait pas l’âme de Rochambeau, on pourrait se demander s’il n’avait pas le dessein secret d’exaspérer cette population, pour la porter à rompre définitivement avec la métropole. Il eut encore l’indignité de donner un bal dans la soirée du jour de l’exécution de l’infortunée Henriette, et d’y inviter des femmes indigènes. C’était ajouter le sarcasme au crime.

Aussi, à son exemple et par ses ordres, Lavalette, commandant de l’arrondissement du Port-au-Prince, — Panis, commandant de la place, l’un des affreux septembriseurs qui souillèrent la révolution française, en 1792, en immolant de nombreuses victimes dans les prisons de Paris, rivalisaient-ils de rigueurs et de cruautés avec le commandant en chef des départemens de l’Ouest et du Sud. Aux Cayes, Berger, commandant de la place, — à Jérémie, Darbois, commandant de l’arrondissement, ajoutaient chaque jour de nouveaux crimes aux crimes de la veille.