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SI TU M’AVAIS AIMÉE

Je n’ai pas su pleurer, je n’ai pas pu sourire ;
J’ai regardé ma vie avec les yeux profonds
De celui qui, debout sur le pont du navire,
Cherche ce que la mer recèle en ses bas-fonds.

Vous m’aviez fait, mon Dieu, tous les dons les plus rares :
La jeunesse, la joie, un cœur brûlant et fier ;
Mais je les possédais comme font les avares.
Sans savoir que demain prend ce qui fut hier.

Pourtant j’aimais la vie, et mon âme était prête
A tout le don de soi qu’exige le bonheur ;
Je savais affronter vaillamment la tempête
Et j’avais, sans faiblir, accueilli la douleur.

J’allais vers l’avenir... Dans mes mains frémissantes
Je portais le trésor merveilleux de la foi ;
La vieillesse et la mort, ces lointaines passantes,
Sur mon front calme et pur ne posaient nul effroi.