Page:Arnaud - Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris, 2.djvu/162

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» Le repos, dont jadis les premières douceurs
» Avaient, dans mon désert, attiré les neufs Sœurs,
» Les beaux-arts, à l’envi, peuplaient ma solitude :
» Uniquement épris des charmes de l’étude,
» Pauvre, et content de l’être, heureux de vivre aux champs,
» Je me disais : Ici je suis loin des méchans :
» Ici je ne crains plus ce troupeau d’ames viles
» Qu’assemble l’intérêt dans la fange des villes :
» Ici, d’un luxe vain l’œil n’est pas ébloui ;
» Mais de l’émail des prés l’œil est plus réjoui.
» Mes palais sont des bois majestueux et sombres,
» Confondant leur feuillage, entrelaçant leurs ombres,
» Tel est, n’en doutons pas, sur le sacré vallon,
» Le charme inspirateur des enfans d’Apollon.
» Dans Athènes, jadis, loin des regards profanes,
» les Sages disputaient à l’abri des platanes :
» Et l’ami de Mécène, aux jardins de Tibur,
» Sous des pins élevés respirant un air pur,
» Loin de Rome adorait leur ombre hospitalière.
» Parmi nous, Despréaux, La Fontaine, Molière,
» Souvent, pour animer leur génie et leur voix,
» Cherchèrent le silence et la fraîcheur des bois.
» Trop faible imitateur des dieux de l’harmonie,
» J’ai leurs penchans du moins, si je n’ai leur génie.
» Dans les prés couronnés de jeunes arbrisseaux,
» Suivant tous les détours des paisibles ruisseaux,
» Le vers que je médite aux bords d’une onde pure,
» Semble couler comme elle, au gré de la nature,
» Et je crois en rêvant, sous un ombrage épais,
» Unir la liberté, les muses et la paix.

» Ainsi je m’abusais, espérance insensée !
» Du flatteur avenir qu’embrassait ma pensée,
» La douce illusion disparaît à mes yeux.
» La mort va les fermer à la clarté des cieux.