Page:Arnaud - Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris, 2.djvu/163

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» Je n’ai plus qu’un moment. Un moment !… ô mon père !
» Quels seront les destins ! ma mort te désespère ;
» Elle hâte la tienne. Un noir pressentiment
» Vient se joindre à l’horreur de ce dernier moment.
» Tu pleures sur ton fils qui pleure sur toi-même.
» Dieu puissant ! prends pitié de ce père qui m’aime.
» Grand Dieu ! sauvez mon père ; avec moins de regret
» De ma destruction je subirai l’arrêt.

» De ma destruction !… quel mot épouvantable !
» Quelle est donc cette loi terrible, inévitable,
» Qui vouant au trépas les fragiles humains,
» Sans cesse de Ténare élargit les chemins ?
» Inexorable Mort ! quand viens-tu me surprendre,
» Ne pouvant t’échapper, ne puis-je te comprendre !
» De l’univers entier ton pouvoir est vainqueur ;
» Ne puis-je à cette idée accoutumer mon cœur ?
» Qu’es-tu ? que sommes-nous ? l’ame peut-elle encore
» Survivre à ces débris que la tombe dévore ?
» Sortons-nous du néant ? devons-nous y rentrer ?
» Dans la prison du corps las de s’y concentrer,
» L’esprit s’envole-t-il aux voûtes éternelles ?
» Croirai-je que d’un Dieu les bontés paternelles,
» Par pitié nous tirant d’un ténébreux séjour,
» À nos yeux dessillés font luire un plus beau jour ?
» Et de ce jour si pur l’heureuse mort suivie
» Est-elle le réveil du songe de la vie ?
» Je demande où je suis, d’où je viens, ou je vais :
» Mais à ces questions, qui répondra jamais ?
» Dois-je du préjugé ne voir que les fantômes ?
» Dans tout ce qu’on nous dit sur les sombres royaumes,
» Discoureur orgueilleux qui prétends m’éclairer,
» Dis-moi, que dois-je craindre ou que dois-je espérer ?
» Il ne me répond rien. Dans un morne silence,
» Il agite à mes yeux sa sceptique balance.