Page:Arnaud - Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris, 2.djvu/168

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C’est ainsi qu’à jouir Horace nous excite ;
Et Salomon lui-même a dit au genre humain.
« Jouissez aujourd’hui car vous mourrez demain. »
Nous aimons ce conseil, mais au lieu de le suivre,
En craignant de mourir, nous oublions de vivre.
Du fardeau d’exister on nous entend gémir,
Et de n’exister plus la peur nous fait frémir.
Loin d’appeler la mort franchement à notre aide,
Nous ne pouvons souffrir nos maux ni leur remède.
Ainsi l’homme est toujours prompt à se démentir :
Il languit sur la terre et n’en veut pas sortir.
Heureux qui dépouillant une erreur fantastique,
De la mort, avec joie entonne le cantique !
C’est l’hymne de la paix et de la liberté,
Le chant consolateur de la nécessité :
Comme, sans son aveu, l’homme a vu la lumière.
L’homme, sans son aveu voit finir sa carrière.
La plainte est inutile : il faut se résigner.
Si personne, à coup sûr, ne peut nous enseigner
Ce qui doit de nos ans suivre le court passage,
Dans le doute prenons le parti le plus sage.
Quand le jour luit, veillons ; usons si bien du temps,
Que nous puissions le soir nous endormir contens.
Puisque l’instant fatal nous menace sans cesse,
Hâtons-nous d’embrasser l’amitié, la sagesse ;
Surtout de la vertu connaissons tout le prix :
Quiconque se tient prêt, ne peut être surpris.

Mais au lieu de leçons, s’il nous faut des modèles
Pour braver de la mort les terreurs infidèles,
Suivons de nos guerriers l’exemple généreux :
L’existence n’est rien, la gloire est tout pour eux.
O source d’héroïsme admirable et féconde !
Ceux qui bravent la mort sont les maîtres du monde.