Page:Arnaud - Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris, 2.djvu/9

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les hommes doués d’une âme fière et sensible, préfèreraient une vie obscure à un éclat trop envié, pour n’être pas la source de tous les chagrins.

Par un concours de circonstances dont l’heureuse combinaison ne se trouvera peut-être jamais, Grétry n’a point eu à souffrir de l’injustice de ses contemporains.

Les clameurs de l’envie ne se sont point élevées contre ses nombreux succès. Trop supérieur dans le genre qu’il s’est créé, pour avoir des rivaux dignes de l’inquiéter, il n’a pas connu les honteuses tracasseries que suscitent les rivalités.

Honoré à la cour, honoré à la ville : la gloire, la faveur, la fortune, ont été le prix de ses heureux travaux. Il a reçu tous les honneurs, toutes les distinctions qu’il a méritées, et sa longue carrière a été un long triomphe.

Dans ce lieu où il nous précède d’un moment, dans ce lieu où tant de réputations s’effacent pour jamais, son nom ne sera point enseveli avec sa dépouille mortelle.

Grétry a vu s’élever les monumens qui doivent éterniser sa mémoire. Avant de fermer les yeux, il a, si j’ose m’exprimer ainsi, assisté au jugement de la postérité, et joui de son immortalité.

Qu’il goûte le repos éternel, et cherchons à adoucir l’amertume de nos regrets, en songeant qu’il fut heureux, et qu’une plus longue vieillesse n’eût fait qu’ajouter aux infirmités douloureuses qui attristèrent ses derniers jours.

La mort d’un grand artiste ne ressemble point à celle de l’homme vulgaire. L’un s’anéantit tout entier, tandis que l’autre semble, pour ainsi dire, se réfugier et vivre encore dans les œuvres de son génie.