Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v1.djvu/43

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la veille de l’élection, avec autant de facilité qu’ils mettaient de désinvolture, le lendemain, à les fouler aux pieds.

Ernest Picard était la représentation exacte du bourgeois frondeur, mais prudent, du négociant parisien qui se paie volontiers le luxe de taquiner le gouvernement, sans intention de le renverser, et peut-être même sans un désir bien vif de l’amender.

Le bourgeois de Paris aime à picoter les ministres qui le vexent toujours un peu, en tant que représentants de l’autorité.

Il ressemble à ces maris coureurs qui donnent des coups de canif dans le contrat conjugal, mais qui, pour rien au monde, ne voudraient entendre parler du divorce.

Ils n’aiment point leur femme, ils content fleurette à la bonne de madame et à la petite voisine du cinquième, mais comme leur femme représente une dot fort respectable, et que mille liens d’intérêt matériel unissent les conjoints, ces maris finissent toujours par revenir au logis matrimonial.

Cette histoire est l’histoire du boutiquier parisien, et Picard était l’expression exacte de cette opposition qui n’est, en somme, qu’une niche, une ingratitude et une polissonnerie.

Ventru, replet, rebondi, homme d’esprit au demeurant, il représentait à merveille le type de l’égoïste florissant et sans vergogne.

Un tel homme, on le comprend facilement, n’avait point l’étoffe héroïque nécessaire pour pousser à la guerre à outrance et s’ensevelir sous les ruines de Paris plutôt que de capituler.

Il craignait naturellement les coups ; avait une profonde antipathie contre les obus ; exécrait le