Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 114 —

« Si l’insurrection d’Irlande avait été commandée par un général de cette valeur, la face des choses eût sans doute été changée.

« Quand le Parlement apprit cet événement, sans exemple peut-être dans les fastes militaires, ce fut un concert de plaintes et d’accusations contre l’inhabileté du vice-roi qui avait non seulement laissé une poignée de Français parcourir le pays en vainqueurs, mais n’avait pas su les écraser avec des forces trente fois supérieures.

« Lord Cornwalis avait refusé de comprendre les Irlandais dans la capitulation ; ils durent se replier sur Killala, mais la ville fût prise par les troupes anglaise et les Irlandais qui ne purent se réfugier dans les forêts ou dans les cavernes furent pendus ou fusillés.

« Je retrouvai alors James Pody dont j’avais été séparé pendant de longues années, notre malheur commun nous rapprocha.

« Après la capitulation du général Humbert, j’avais fui avec mon fils à travers les comtés du sud, voulant me rapprocher de ma famille dont le sort, en ces temps de guerres civiles, ne cessait de m’inquiéter.

« Un désolant spectacle m’attendait sur ce point. Du village où j’étais né, où j’avais laissé mon vieux père, ma femme et mes enfants, il ne restait plus qu’un monceau de cendres, des moissons foulées par les chevaux des vainqueurs, des ruines partout.

« Un jeune pâtre qui gardait ses moutons sur la colline déserte me dit tristement :

« — Vous cherchez le village de Ceath, regardez, voilà ce qu’en ont fait les infâmes Anglais.

« — Mais les habitants, murmurai-je haletant d’angoisse.

« — Leur sang a rougi les flancs des coteaux, leurs cris d’horreur retentissent encore la nuit dans la vallée ;