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séparée de tous les miens ; si Clary ne m’avait pas emmenée de force, je serais restée. Pauvre Clary, il a failli payer mes hésitations de sa vie.

— Ce n’est rien, dit le jeune homme ; j’aurai une balle de plus à rendre aux constables.

On arriva au cottage des Podgey où Colette fut reçue avec effusion. La jeune fille demeurait triste, elle accueillait assez froidement les témoignages d’amitié qu’on lui prodiguait. Tomy, surpris, se demandait s’il ne s’était pas trompé en croyant que Colette l’aimait. N’avait-elle éprouvé que de l’intérêt pour son malheur ?

La jeune fille ne se départit de sa tristesse silencieuse que pour exprimer sa reconnaissance à Clary ; Jenny Podgey possédait une pommade merveilleuse pour les blessures, elle en prépara une compresse et Colette l’aida à panser le jeune homme. La lumière terne de la lampe éclairait la tête gracieuse de Clary, son visage était pâli par la souffrance, cependant un doux sourire errait sur ses lèvres en regardant Colette ; il était si beau ainsi que Tomy en éprouva un sentiment douloureux. O’Warn lui était bien supérieur sous tous les rapports ; la distinction, l’intelligence, la bonté, la bravoure, le prestige d’un nom fameux, il possédait cela au plus haut degré. Si Colette allait s’en apercevoir ! s’il ne l’avait retrouvée que pour la perdre !

Telles étaient les idées qui tourmentaient le pauvre garçon ; son abattement devint si grand que, plus tard, quand Clary fut parti et que vint le moment de se séparer pour la nuit, Colette, retrouvant un instant son humeur enjouée, dit au jeune homme :

— C’est maintenant, mon bon Tomy, que vous paraissez compatir à mon sort ; vous avez l’air malheureux à souhait.

— Je suis triste, Colette, car vous avez l’air vraiment de ne plus me connaître.