Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/110

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Valère Chatellier, écroulé auprès de moi, enfouissait son visage dans l’herbe tendre, et Firmin, la joue tout contre ma joue, respirait profondément comme s’il espérait mettre ainsi dans sa poitrine un peu de ce bonheur qui passait.

Ce fut lui qui ramena le bruit en disant à Valère :

— Allons, relève-toi, montre un peu ta face aux étoiles et dis-leur que tu es joyeux comme un pauvre homme qui vient de faire un héritage.

Les étoiles étaient en effet si nombreuses qu’on eût dit qu’elles s’étaient groupées pour mieux nous voir. À leur clarté je cherchais la joie de Valère Chatellier sur ses traits, mais elle n’était encore que dans ses yeux qui brillaient étrangement.

Il resta la face levée, puis tout doucement il se mit à rire. C’était sûrement ainsi qu’il riait lorsque, petit garçon, il recevait un jouet longtemps désiré.

Je me sentais délivrée de toute souffrance et j’avais envie de rire aussi.

Firmin subitement debout, la voix et les gestes vers tout ce qui nous entourait, montrait son ami et lançait avec éclat :

— Regardez-le ; il était seul dans la vie, et voici qu’il a trouvé une compagne.

Sa joie était grande à lui aussi, et tout en se moquant du rire muet de Valère, il sautait à une telle hauteur qu’il semblait vouloir atteindre les étoiles. Manquant de souffle il vint se reposer auprès de moi, et soudain, il dit :

— Quelle chance ! Vous serez mariés avant mon départ pour le régiment.

À ce mot de mariage, je repoussai brutalement la main de Valère qui tenait la mienne.