Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/56

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comme pour rouvrir derrière elle et se lancer à sa poursuite, mais au lieu d’ouvrir, il resta la main sur le loquet dans une pose pleine de menace, nous disant :

— Vous croyez qu’elle est partie ? Eh bien ! moi, je parie qu’elle est en train de nous tirer la langue derrière la porte.

Et comme les jumeaux craintifs, se serraient davantage l’un contre l’autre, Firmin prit une pose plus menaçante encore pour les rassurer :

— N’ayez pas peur ! elle n’osera pas venir la tirer devant moi.

Manine qui se trouvait par hasard auprès de nous riait de tout son cœur, et j’en faisais autant, mais Angèle n’avait pas envie de rire, car c’était sur elle que venaient de tomber les plus lourds reproches. Elle dit en essuyant ses larmes :

— Pourquoi le bon Dieu l’a-t-il faite si méchante ?

Et Firmin de répondre aussitôt :

— Si tu crois qu’elle a été facile à faire ?

Avec une précipitation qui lui chassait la salive aux coins de la bouche, il ajouta :

— Et puis, le diable la guettait, c’est pour cela que le bon Dieu l’a envoyée chez nous sans prendre le temps de la fignoler.

Angèle qui n’avait jamais rien compris à l’esprit malicieux de son frère joignit les mains en grand sérieux :

— Dieu bon ! vous pouviez la faire plus tard puisque vous aviez devant vous l’éternité.

J’étais de son avis, et je trouvais que tante Rude aurait aussi bien pu naître cent ans après