Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/35

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aux dernières venues. Oh ! ces pincements qui lui faisaient fermer les yeux sous la douleur, tandis que la méchante disait :

— Mademoiselle, y a gnangnan qui fait semblant de dormir pendant que je lui montre !

Devant la nouvelle réprimande, Églantine Lumière rouvrait les yeux, et des larmes s’en échappaient sans que son petit visage fit la moindre grimace ; mais sa gorge serrée ne pouvait laisser passer les sons, et c’était tout bas, avec une bouche tremblante, qu’elle répétait les mots après celle qui la pinçait à la fin de la leçon, comme elle l’avait pincée au commencement. La classe finie, d’autres tourments l’attendaient sur la route qu’elle suivait en compagnie de filles et garçons regagnant leur demeure. Toutes les malices étaient bonnes à faire à cette gnangnan qui ne se défendait pas et ne se méfiait jamais. On la poussait brusquement dans un fossé vaseux, ou dans un buisson plein d’épines d’où elle sortait salie et déchirée. Quand vint la neige, elle fut toute désignée pour recevoir les boules, qu’on lui jetait de préférence au visage. Elle pensait à Noël. S’il était là, il saurait bien la défendre. Mais la ferme des Barray était peu éloignée du vil-