Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/100

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j’enlevai les épingles de l’essayage, et je passai les fils de couleur qui devaient me guider pour la confection de ma jupe.

Bouledogue souffla fortement par le nez et Bergeounette fredonna la rengaine qu’un vieux mendiant venait chanter sous les fenêtres de l’atelier :


  Elle avait ce jour-là mis une robe blanche,
  Où flottait, pour ceinture, un large ruban bleu.

La petite Duretour s’en alla la dernière. Sa jolie figure montrait une grande pitié, quand elle offrit de venir le lendemain matin pour faire la livraison.


La lumière du jour éclairait encore l’avenue, quand Mme Dalignac apporta la lampe tout allumée sur la table. Elle tira un tabouret pour s’installer en face de moi et la nuit de travail commença.

Les heures passèrent, l’horloge d’une église les comptait une à une sans oublier les quarts et les demies, et les sons entraient par la fenêtre ouverte comme s’ils étaient chargés de nous rappeler que nous n’avions pas une minute à perdre.

Les douze coups de minuit résonnèrent si longtemps que Mme Dalignac alla fermer la fenêtre comme elle fermait parfois la porte derrière une cliente trop exigeante. Mais les heures qui suivirent ne se lassèrent pas, elles revinrent à travers la vitre, et leurs sons grêles retenaient sans cesse notre attention.