Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/101

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Par instant, Mme Dalignac cédait au sommeil. Elle lâchait brusquement son aiguille en inclinant la tête, et à la voir ainsi, on eût dit qu’elle regardait attentivement l’intérieur de sa main droite qui restait à demi ouverte sur son ouvrage.

Je la touchais du doigt alors, et le sourire qu’elle m’adressait était plein de confusion.

Depuis longtemps les tramways ne passaient plus sur l’avenue. Les fiacres eux-mêmes avaient cessé de rouler et, dans le silence qui s’étendait maintenant sur la ville, l’horloge de l’église compta tout à coup trois heures.

Mme Dalignac se redressa tandis que sa bouche laissait échapper un souffle court.

Elle posa son ouvrage et se leva péniblement pour aller nous faire du thé.

Dès qu’elle fut sortie je m’aperçus que la lampe baissait. Elle baissait rapidement, et j’en ressentis une véritable angoisse. Je la remontai d’un mouvement sec, mais, au lieu d’augmenter sa lumière, elle ne jeta qu’une longue flamme mélangée d’étincelles, et, comme si elle venait de donner d’un seul coup toute sa réserve, elle fit cloc, cloc, et s’éteignit.

Ce fut comme si une catastrophe s’abattait sur moi, et, pendant un instant, je crus que tout était perdu. Je cherchai du secours en me tournant vers la croisée, mais j’étais si troublée qu’il me sembla voir une large draperie lamée d’argent à travers la vitre. Je reconnus presque aussitôt le ciel et son reste d’étoiles sans éclat. En même