Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/103

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Il ne nous apporta pas tout de suite l’énergie que nous en attendions. Au contraire, sa chaleur humide nous enveloppait d’un bien-être et nous amollissait, mais la demie de trois heures sonna pleine de force à nos oreilles, et avant même qu’il fît grand jour, je repris ma jupe, et Mme Dalignac, son corsage.

Malgré moi je regardais le fouillis de dentelle et mousseline qui allait servir à faire les manches de Mme Linella.

Mme Dalignac les ajusta d’abord avec de la dentelle, puis elle épingla de la mousseline qu’elle rejeta pour reprendre de nouveau la dentelle.

Rien ne la satisfaisait et à chaque changement elle répétait d’un ton machinal ces mots qui sonnaient presque aussi fort que les heures à mes oreilles :

— Des manches qui n’aient pas l’air d’être des manches.

Elle se décida enfin, et, après une heure de travail, elle s’éloigna du mannequin pour mieux juger de l’effet. Mais lorsqu’elle se tourna vers moi pour prendre mon avis, comme elle le faisait souvent, elle vit que je regardais déjà les manches, et sans que j’aie dit un seul mot, elle recula jusqu’au mur et se mit à pleurer.

Elle pleurait mollement, et disait en prononçant à moitié les mots :

— Je suis trop lasse, je ne peux rien faire de bien.

Elle resta un moment le dos appuyé et le visage