Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/116

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un air si grave que j’apportai aussitôt de l’attention.

Il chercha les premières paroles et commença :


    J’étais un jour seul dans la plaine,
    Quand je vis en face de moi,
    Un soldat de vingt ans à peine,
    Qui portait les couleurs du roi.

Tous les yeux se braquèrent sur lui et tous les coudes se posèrent sur la table, pendant qu’il attaquait le refrain et criait :

Ah ! que maudite soit la guerre.

Puis les couplets se déroulèrent, racontant tout au long l’histoire de mort :

Ah ! je ne chantai pas victoire,
    Mais je lui demandai pardon.
    Il avait soif, je le fis boire.

La voix de Clément montait et descendait avec des inflexions qui faisaient soulever plus haut nos poitrines.

Nous le suivions tandis qu’il courait porter secours au blessé, nous nous penchions avec lui pour chercher la blessure et la panser, et tout le monde voyait nettement le portrait de la vieille dame que le jeune soldat portait tout contre son cœur.

Aussi, lorsque Clément eut dit que le regret de cette mort durerait aussi longtemps que sa vie, toutes nos voix s’unirent à la sienne pour lancer comme un grand cri de haine :

Ah ! que maudite soit la guerre.