Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/130

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— Je n’aime personne.

Mlle Herminie rentra son sourire. Elle leva vers moi son menton mal arrondi, et d’une voix que je ne lui connaissais pas, elle dit :

— Les enfants apportent un si grand bonheur que les souvenirs douloureux s’effacent vite.

Je remuais la tête en signe de doute. Alors elle écarta les bras en essayant de redresser son buste plus raide que du bois, et, comme si elle s’exposait aux regards du monde entier, elle dit avec un rire plein d’ironie :

— Regardez-moi donc… Le souvenir de mon amour perdu m’a semblé plus précieux que tout.

Son visage exprimait un immense regret, et, pour la première fois, je vis que ses lèvres étaient encore pleines et très fraîches.

Elle laissa retomber ses bras maigres en ajoutant sourdement.

— On est comme une chose morte… et les autres s’éloignent de vous.

La soirée s’acheva dans le silence et je me couchai harassée, comme si j’eusse marché pendant des heures sur une mauvaise route.

Mon sommeil ne fut pas bon non plus.

Je rêvais qu’un ouragan m’emportait dans les airs. Je rassemblais toutes mes forces pour résister à la furie des vents ; mais leurs tourbillons m’arrachaient mes vêtements un à un et de larges gouttes de pluie glaçaient mon corps dévêtu.


Ma tranquillité s’en alla. Ma porte ouverte me